Les précipitations
un déficit sous surveillance
Bilan annuel
En moyenne sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie, le bilan pluviométrique de l’année 2014 est inférieur aux normales, malgré l’absence d’El Niño dans l’océan Pacifique équatorial. Le déficit annuel moyen calculé sur 22 postes pluviométriques est de -20 % environ, ce qui place l’année 2014 au 10ème rang des années les plus sèches depuis 1970 (fig. 5). Une période de sécheresse a frappé le pays de mars à juillet expliquant ce déficit annuel.
Figure 5 : Écarts entre les cumuls annuels moyens de précipitations et la moyenne de référence 1970-2013,
de 1970 à 2014, classés par ordre croissant.
Par rapport au déficit annuel moyen global, Lifou et Poindimié creusent l’écart avec un déficit de –35 % environ. A contrario, sur l’extrême nord de la Grande Terre à partir de Voh, ainsi que sur les communes de Thio et Poya, nos pluviomètres ont recueilli en 2014 autant de précipitations que la normale.
Les pluies de 2014 en quelques chiffres
Le cumul le plus faibleIl a été mesuré à la station automatique de Bouraké et vaut exactement 558,3 mm Cette quantité est inférieure à la normale (–23 % environ). |
Le cumul le plus élevéSans grande surprise, c’est notre bénévole de Galarino, habitué aux conditions humides régnant au pied du Mont Panié, qui a relevé cette année le cumul annuel le plus élevé : 3 414 mm. L’écart à la normale est toutefois plutôt faible : -5 %. |
L’épisode le plus intenseTrois épisodes de fortes pluies ont eu lieu durant l’année 2014 : du 17 au 19/01 (June), du 03 au 06/02 (Edna) et le 15/12. Ces trois épisodes se valent en intensité. Pour ces 3 périodes, les plus forts cumuls en 24 h valent respectivement 315,4 mm (Pouebo), 317 mm (Méa) et 311 mm (Montagne des Sources). |
Les précipitations au fil des mois...
Premier trimestre : la saison des pluies s’achève précocementLe premier trimestre débute avec un bilan pluviométrique excédentaire de l’ordre +25 % en moyenne sur le pays pour les mois de janvier et de février. |
![]() Figure 9 : Écarts des cumuls mensuels de précipitations par rapport aux normales 1981-2010. |
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![]() Figure 7 : Le pont de Gélima sous la pluie le 4 février 2014, à Canala (Source : Les Nouvelles Calédoniennes). |
Janvier a été copieusement arrosé dans l’ensemble. D’une part, de nombreux courants d’est ont favorisé le développement de systèmes orageux arrosant surtout les îles Loyauté, le nord et l’est de la Grande Terre. D’autre part, la dépression tropicale modérée June a engendré des pluies exceptionnelles sur l’extrême nord et la moitié est de la Grande Terre du 17 au 19 janvier. |
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En février, les pluies ont été peu fréquentes puisqu’on comptabilise 7 jours au lieu des 14 habituellement dénombrés. Quelques épisodes pluvieux auront néanmoins suffi à faire déborder les pluviomètres. L’essentiel des précipitations provient en effet des systèmes dépressionnaires qui ont sévi du 3 au 6 février (fig. 7) et ont principalement concerné la Grande Terre. Mars clôt le trimestre sur une note inhabituelle pour la saison. L’ anticyclone mobile de la mer de Tasman, particulièrement actif, a maintenu le pays à l’écart d’une zone de très fortes précipitations, repoussée au nord du 15ème sud. Une atmosphère relativement sèche s’est donc installée sur tout le pays, si bien qu’à la fin du mois, on enregistre un déficit moyen global d’environ 80 %. Le centre de la Grande Terre et la zone Voh-Koné-Pouembout (VKP) sont les régions les plus affectées. A Voh, le déficit s’élève à plus de 95 % ! |
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![]() Figure 8 : Pâturages « à sec » fin juillet à Pouembout - basse plaine alluviale (Source : Olivia Yu). |
De mars à juillet : une sécheresse tenaceMars n’a fait qu’annoncer une sécheresse qui allait durer plusieurs mois. En effet, en avril, un temps sec sévit toujours sur le pays. Sur la zone VKP par exemple, il n’a plu qu’une seule journée au lieu de 7 habituellement au mois d’avril. En mai, des courants d’est humides apportent un peu de répit et atténuent temporairement le déficit hydrique. Mais la sécheresse est tenace et prend des proportions inquiétantes en juin, en particulier sur la côte Est autour de Houaïlou, sur l’extrême nord de la Grande Terre et aux îles Loyauté. Le déficit y avoisine les 90 % en moyenne. Les quelques pluies du mois de juillet ne permettent pas de reverdir les pâturages, comme l’illustre la photo ci-contre. |
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D’août à octobre : des pluies bienvenues au cœur de la « saison sèche »Paradoxalement, le temps a été plus humide durant la saison sèche. En août, le pays est soumis à de nombreux passages perturbés apportant des pluies salvatrices. Cependant, certaines zones accusent encore un manque en eau. C’est le cas du Grand Nouméa, de la zone VKP et d’Ouvéa où les déficit avoisinent 40 %. En septembre, les pluies sont plus généralisées et les hauteurs d’eau cumulées sont supérieures aux normale de 40 %, avec un avantage pour la moitié sud de la Grande Terre, Maré et Ouvéa. En octobre, le bilan moyen est certes excédentaire mais les pluies substantielles ne concernent que le tiers nord de la Grande Terre et les îles Loyauté. Une fin d’année en demi-teinteLe ciel de ce début de saison cyclonique se montre avare en précipitations, en particulier sur la Grande Terre qui ne reçoit que la moitié du cumul habituellement attendu en novembre. L’année se termine toutefois avec de la pluie et des orages. En effet, entre des alizés d’est porteurs d’une masse d’air humide et une dépression assez active en mer de Corail, les pluies ont été excédentaires en décembre, sauf sur le Grand Nouméa soumise à un déficit d’environ 50 %. |
zoom sur la sécheresse
L’année 2014 se caractérise en Nouvelle-Calédonie par une sécheresse météorologique généralisée de quelques mois.
Une sécheresse météorologique avérée
Avec des cumuls mensuels parmi les plus faibles pour ce mois depuis le début de nos mesures, c’est en mars que débute l’épisode de sécheresse météorologique* de l’année 2014. Toute la Nouvelle-Calédonie est affectée par un manque de précipitations patent qui perdure jusqu’en juillet malgré une courte et légère embellie en mai. Le calcul de l’indice pluviométrique mensuel, dont l’évolution est présentée en figure 10, montre que ce sont surtout mars, avril et juin qui présentent les déficits les plus exceptionnels. En mars et avril, les déficits mensuels peuvent être qualifiés de modérés à très élevés. En juin, ils sont modérément bas sur la Grande Terre, voire extrêmement bas aux îles Loyauté. Ce n’est qu’à partir du mois d’août que la Nouvelle-Calédonie renoue durablement avec des conditions plus pluvieuses que la normale.
* La sécheresse météorologique correspond à un déficit prolongé de précipitations. Il ne faut pas la confondre avec la sécheresse agricole caractérisée par un déficit en eau des sols superficiels ni avec la sécheresse hydrologique qui se manifeste lorsque lacs, rivières ou nappes souterraines montrent des niveaux anormalement bas.
Figure 10 : Évolution de l’indice pluviométrique normalisé calculé sur un mois pour la Grande Terre et les Loyauté.
Exceptionnelle en intensité mais d’une durée limitée
Si on additionne les quantités de précipitations sur des durées comprises entre 1 et 24 mois et que l’on compare les résultats obtenus entre 1961 et 2014, on se rend compte qu’en 2014, certains cumuls sont certes exceptionnellement faibles mais ils ne concernent que des périodes courtes (inférieures à 10 mois). Le graphique ci-dessous représente sous forme de flammes, l’intensité des anomalies de pluies mesurées à La Foa entre janvier 1961 et décembre 2014 pour différentes durées de cumul. Plus la flamme rougeoie, plus la sécheresse est sévère ; plus la flamme est allongée, plus la période de sécheresse est longue. On remarque ainsi que les déficits observés en 2014 à La Foa sont très importants (rouge) mais que cette sécheresse n’a pas l’ampleur de celles remarquées en 2010, de 1993 à 1995, en 1987 ou en 1973.
Figure 11 : Graphique à flammes représentant l’évolution de la valeur de l’indice normalisé des pluies pour la station de La Foa entre janvier 1961 et décembre 2014 et pour des durées de cumul variant de 1 à 24 mois. Plus la flamme rougeoie (verdoie), plus le déficit (l’excédent) est marqué ; plus la flamme est allongée, plus la période sèche (humide) est longue. La couleur grise indique des conditions pluviométriques proches de la normale.
La sécheresse météorologique de 2014 s’est d’abord caractérisée par un mois de mars exceptionnellement sec. Pour expliquer ces déficits records, l’examen des différents paramètres météorologiques montre que l’atmosphère aux abords de la Nouvelle-Calédonie était d’une part défavorable à l’intrusion d’un air chaud et humide d’origine tropicale et d’autre part propice au transport d’un air particulièrement sec dans le flux d’alizé.
- L’Oscillation de Madden-Julian (MJO) est une onde atmosphérique d’échelle planétaire particulièrement active pendant la saison chaude. Elle se manifeste notamment par une zone de fortes précipitations longue de quelques milliers de kilomètres qui se déplace le long de l’équateur de l’océan Indien à la moitié ouest de l’océan Pacifique. Cette première zone pluvieuse est suivie dans son sillage par une zone tout aussi vaste où, à l’opposé, règnent des conditions atmosphériques défavorables aux fortes précipitations. En mars 2014, nos analyses montraient que la MJO était active et que la zone « sèche » de la MJO surplombait la Nouvelle-Calédonie. La MJO s’est donc pour ainsi dire opposée aux fortes précipitations qui tombent habituellement sur le Caillou au mois de mars, contribuant ainsi aux déficits pluviométriques observés.
- Visible sur les images satellite sous la forme d’une large bande pluvio-orageuse persistante et s’étendant sur quelques milliers de kilomètres, la Zone de Convergence du Pacifique Sud (ZCPS) est la principale source de précipitations dans le Pacifique sud-ouest. Pendant l’été austral, la ZCPS atteint son intensité maximale ; elle est alors orientée selon un axe nord-ouest/sud-est, des îles Salomon au sud-est de la Polynésie Française. D’une semaine à l’autre, l’emplacement de la ZCPS est fluctuant, si bien qu’il arrive fréquemment pendant l’été que la Nouvelle-Calédonie se retrouve sous son joug. Or, en mars 2014, le puissant anticyclone mobile de la mer de Tasman était positionné en moyenne au nord-est de sa position habituelle, si bien que la pression atmosphérique au niveau de la mer était anormalement élevée au sud immédiat de la Nouvelle-Calédonie. Ces conditions atmosphériques au sud du tropique étaient défavorables à une incursion de la ZCPS dans le ciel calédonien, cette dernière stagnant à l’est de sa position habituelle (fig. 12).
- Le flux d’alizé était de surcroît anormalement sec. En effet, l’anticyclone de la mer de Tasman se prolongeait par un axe de hautes pressions orienté ouest-est et situé entre 30°S et 35°S (fig. 13). Caractérisé par des mouvements descendants, cet axe (appelé également " dorsale ") a provoqué un assèchement des basses couches de l’atmosphère entre la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie. On constate d’autre part la persistance d’une deuxième dorsale à l’ouest de la Nouvelle-Calédonie, d’axe sud-nord. En renforçant anormalement le flux d’alizé (28 jours au lieu de 22), c’est elle qui a contribué au déplacement vers le nord des masses d’air très sèches entre la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie.
Des mois de sécheresse, une pluie de records !
- Avec un cumul moyen sur le pays de 52 mm, mars 2014 est le 2ème mois de mars le plus sec en Nouvelle-Calédonie depuis 1961, après mars 1984 au cumul moyen de 40 mm.
- Si on additionne les quantités de pluie tombées entre mars et juin, on trouve un total de 260 mm environ. Cette valeur est la plus faible depuis 1961 après l’année 1977 qui enregistrait pour la même période environ 250 mm.
- Entre mars et juin, de nombreuses stations ont mesuré des cumuls mensuels parmi les plus bas jamais enregistrés. La station de Hienghène par exemple, ouverte en 1937, a relevé seulement 8,4 mm en avril, battant à plate couture le précédent record d’avril 2001 avec 21,0 mm !
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