Bilan établi avec les données disponibles le 28 mai 2021
L'épisode La Niña 2020-2021, démarré en septembre dernier, s'est achevé. Cet épisode a provoqué d'abondantes pluies tout au long des mois de décembre 2020 à mai 2021, pluies qui ont parfois été lourdes de conséquences en Nouvelle-Calédonie. Au-delà des quelques valeurs exceptionnelles ponctuelles, le bilan des pluies sur la période d'octobre à mai est excédentaire de +57% en moyenne sur le pays, ce qui place la saison 2020-2021 au 5ème rang des saisons les plus arrosées depuis 1972.
Côté températures, le thermomètre affiche un excédent de +0.5°C par rapport à la normale sur l'ensemble de la période d'octobre 2020 à mai 2021 en moyenne sur le pays. Ces températures particulièrement élevées sont autant à mettre sur le compte de La Niña que sur celui du réchauffement climatique à l'échelle planétaire.
A l'entrée dans la saison fraîche et pour le trimestre à venir, si l'on s'attend encore à des pluies supérieures aux normales de saison, le temps en Nouvelle-Calédonie devrait retrouver un caractère beaucoup plus clément.
Rappel sur La Niña et ses conséquences en Nouvelle-Calédonie
Habituellement, La Niña se caractérise par des températures de surface de la mer plus basses que la normale (écarts inférieurs à -0,5 °C) au centre du Pacifique équatorial. En été, les bouleversements atmosphériques induits par ce refroidissement de l’océan consistent en une accentuation des précipitations sur l’Indonésie et un assèchement de l'atmosphère tropical au centre et à l’est du Pacifique (figure 1). En Nouvelle-Calédonie, les périodes La Niña se caractérisent généralement par des épisodes pluvieux plus fréquents et des quantités de pluies plus abondantes.
La Niña 2020-2021 s’achève, une période incertaine s’ouvre
Après un démarrage classique en août / septembre et un pic d’intensité en novembre, l’observation en cette fin mai 2021 de l’ensemble des indicateurs océaniques et atmosphériques (vent, pression, température de l’océan, répartition des pluies, etc.) montrent que l’épisode La Niña 2020-2021, et avec lui les fortes pluies qui ont touché le pays, s’achève et laisse place à des conditions neutres, c’est-à-dire ni Niño, ni Niña (figure 2).
Figure 2 : Variation observée de l’anomalie moyenne de la température de surface de l’Océan Pacifique dans la boîte Niño 3.4 [5°N-5°S ; 170°W-120°W] au cours des 24 derniers mois.
Source : GLORYS – Réanalyse globale réalisée par Mercator Océan, Toulouse, en mai 2021
Lorsque les conditions sont neutres, cela signifie que d’autres facteurs climatiques que El Niño ou La Niña vont dicter la tendance climatique chez nous. C’est ce qu’il va se passer au cours des 3 prochains mois. Il faut rappeler que juin et juillet sont les mois où la Nouvelle-Calédonie est sous l’influence des perturbations australes pluvieuses qui remontent des côtes sud est de l’Australie. Ces tendances hivernales, pilotées notamment par l’océan austral, sont moins prévisibles que celles induites par les épisodes El Niño ou La Niña en été. Toutefois, malgré ces incertitudes accrues, nous continuons de privilégier des conditions plus pluvieuses que d'habitude sur la Nouvelle-Calédonie pour les prochains mois (juin à août), en lien avec les eaux anormalement chaudes au voisinage de la Nouvelle-Calédonie actuellement (figure 3, zone cerclée en rouge). Cette chaleur océanique qui nous entoure est une réminiscence des effets de La Niña sur les températures de l'eau aux abords de la Nouvelle-Calédonie.
Source : MERCATOR OCEAN – SYSTEM FOR GLOBAL OCEAN PHYSICAL ANALYSIS – PSY3
L’épisode La Niña 2020-2021 a-t-il été exceptionnel ?
Bien que l’épisode La Niña 2020-2021 ait été caractérisé cette année par une intensité modérée au niveau du pacifique équatorial (refroidissement des eaux de surface compris entre - 1 et - 1.5°C), ses répercussions en Nouvelle-Calédonie ont été particulièrement intenses, équivalentes à celles observées habituellement lorsque l’épisode est dit « fort » (refroidissement des eaux de surface inférieur à -1,5°C). Comment expliquer alors de telles conséquences en Nouvelle-Calédonie ? C'est probablement la localisation spéciale du refroidissement, situé au centre du pacifique (contrairement aux épisodes classiques où le refroidissement apparaît plutôt sur l'est du bassin), doublé d’un contraste particulièrement fort entre les anomalies d’eaux froides au centre du bassin et les anomalies d’eau chaudes à l’ouest, qui expliquent les répercussions importantes de cet épisode chez nous en Nouvelle-Calédonie.
À l’appui de la figure 4, on peut observer que la saison 2020-2021 se classe au 5ème rang (à égalité avec 2008-2009) des saisons les plus pluvieuses depuis 1972, après les saisons 1975-76, 1988-89, 1998-99, 2007-08 qui appartiennent toutes les quatre au « top 5 » des plus forts épisodes La Niña observés sur cette période. Ainsi, les cumuls de pluies observés au cours de cette saison entre octobre 2020 et mai 2021 peuvent être qualifiés d’« exceptionnels » puisqu’ils ne reviennent en moyenne, qu’une fois tous les 10 ans environ à l’échelle du pays.
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie
Bilan mensuel des pluies entre octobre 2020 et mai 2021
Au début de l’épisode La Niña 2020-2021, les pluies ont timidement marqué leur retour avec un bilan moyen sur le pays excédentaire de +17 % en octobre suivi d’un bilan déficitaire de -14 % en novembre. C’est à partir de décembre que les phénomènes pluvieux les plus remarquables ont véritablement démarré. Ils se sont succèdés de mois en mois, excepté en mars, et ont persisté jusqu’en début mai (figure 5).
Des cumuls remarquables ont eu lieu en décembre, avec un épisode orageux qui a principalement touché la côte nord-est de la Grande-Terre et l’Ile d’Ouvéa où l’on a dépassé des intensités décennales de pluie (figure 7).
Le mois de janvier a été le mois le plus arrosé de la saison, avec +178 % d’excédent de pluie en moyenne sur le pays du fait principalement de la zone de convergence du Pacifique sud (ZCPS) qui s’est installée juste au-dessus de la Nouvelle-Calédonie durant une large partie de ce mois (figure 8).
Bien que des averses éparses et relativement modérées aient touché régulièrement le pays durant tout le mois de février, l’excédant de pluie de ce mois est surtout à mettre sur le compte de la dépression tropicale Lucas qui a circulé sur le pays entre le 1er et le 4 février (figure 9).
Au mois de mars, malgré le passage du cyclone tropical très intense NIRAN, le bilan pluviométrique ce mois-ci a été déficitaire. D’une part les pluies associées au cyclone NIRAN sont tombées principalement en mer (figure 10). D’autre part, de hautes pressions atmosphériques stationnaires sur la Mer de Tasman ont maintenu un temps plutôt beau et sec pendant tout ce mois (qui avait aussi été, hélas, celui du confinement !).
Tout au long du mois d’avril, de nombreux épisodes pluvieux se sont succèdés, parfois exceptionnellement intenses, faisant voler en éclats nombre de records de cumuls mensuels pour un mois d’avril (27 stations battent leur propre record mensuel ce mois-ci). Avril 2021 se classe ainsi au 4ème rang des mois d’avril les plus pluvieux depuis 1961.
Enfin, et pour clore cet épisode La Niña, un dernier épisode pluvieux a touché le pays début mai : il s’est agi cette fois d’un fort épisode pluvio-orageux dont l’intensité des précipitations a entraîné le déclenchement d’une vigilance rouge pour fortes pluies et orages sur les communes de Yaté et du Mont-Dore. On a enregistré à cette occasion des cumuls d’intensité centennale sur Yaté où, à Goro, il est par exemple tombé 294 mm en 6 heures (Lien vers le bilan complet de l'épisode pluvio-orageux du 4 mai 2021).
(valeurs moyennées sur 30 stations de référence uniformément réparties sur l’ensemble du territoire). Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Répartition géographique des pluies entre octobre 2020 et mai 2021
Globalement, sur l’ensemble de la période La Niña 2020-2021, le bilan pluviométrique en Nouvelle-Calédonie est partout excédentaire. Il atteint un excédent de +57 % en moyenne sur le pays. Toutefois, toutes les régions n’ont pas été équitablement arrosées :
- Sur le nord-ouest de la Grande-Terre, les cumuls de pluies entre octobre 2020 et mai 2021 varient entre des valeurs voisines de 1 200 et 1 500 mm, dépassant 2 000 mm dans la chaîne. Sur le sud-ouest de la Grande-Terre, les cumuls s’échelonnent entre environ 1200 et 2 000 mm. Aux îles Loyauté, les valeurs avoisinent les 2 000 mm, Ouvéa étant la plus arrosée des trois îles. Sur la côte est de la Grande-Terre on enregistre entre 1 600 et plus de 3 000 mm du nord au sud.
- D’une station à l’autre, ces cumuls de pluies traduisent des surplus qui s’échelonnent entre +14 % à Poindimié et +134 % à Mouli (Ouvéa).
- Les cumuls et les rapports aux normales de pluie pour chaque station sont mentionnés sur la carte de la figure 6.
Un rapport à la normale égal à 1 signifie que le cumul mesuré est égal au cumul normal ; un rapport supérieur (respectivement inférieur) à 1 signifie que le cumul est excédentaire (respectivement déficitaire)
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Rétrospective des principaux épisodes pluvieux au cours de cette saison La Niña 2020-2021 (entre octobre 2020 et mai 2021)
Du 9 au 14 décembre 2020 : Épisode orageux et cumuls décennaux à Ouvéa.
Une masse d’air instable d’origine tropicale provoque des précipitations abondantes sur la côte nord-est de la Grande-Terre et Ouvéa. On enregistre également de nombreux cumuls supérieurs à 100 mm en 48 heures sur une large part de la Grande-Terre (figure 7).
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Du 1er au 20 janvier 2021 : la Nouvelle-Calédonie se trouve sous la zone de convergence du Pacifique sud (ZCPS).
Durant les deux premières décades de janvier, la Nouvelle-Calédonie se trouve durablement sous l’influence d’une ZCPS particulièrement active et située très au sud par rapport à sa position habituelle (figure 8). En conséquence, de lourdes averses s’abattent inlassablement sur le pays durant cette période et y provoquent l’important excédent de pluies observé ce mois-ci.
Source : International Research Institute for Climate and Society, Climate Monitoring. (période de référence 1979-2000)
Du 1er au 4 février 2021 : Dépression tropicale Lucas.
La dépression tropicale forte LUCAS a abordé le pays par le nord-ouest où elle a provoqué, à Ouvéa, des cumuls de pluie d’une intensité centennale. Elle a ensuite traversé le sud de la Grande-Terre (figure 9) où elle a là aussi engendré des pluies abondantes : 419 mm en 48 heures à Dumbéa, ce qui constitue un record absolu à cette station.
Le 6 mars 2021 : Cyclone tropical NIRAN.
Le cyclone tropical NIRAN est un cyclone très intense (catégorie 5) qui a circulé très rapidement le long de la côte ouest de la Grande-Terre en n’apportant que peu de pluies. Les cumuls les plus forts observés à son passage n’ont nulle part, excepté sur s reliefs du sud de la Grande-Terre, dépassé les 100 mm. L’essentiel des pluies est principalement tombe en mer (figure 10).
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Avril : épisode orageux du 2 au 4 puis dépression tropicale faible TD-13F les 10 et 11.
En avril, un premier épisode de fortes pluies, associé à une masse d’air orageuse, a circulé sur le pays du 2 au 4 et a donné lieu à une vigilance rouge (figure 11) et des pluies particulièrement abondantes sur le sud-est de la Grande-Terre avec notamment un record battu à Borindi où il est tombé 627 mm en 24 heures.
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Un second épisode pluvieux, lié au passage la dépression tropicale faible TD13F du 10 au 11 avril (figure 12) a encore apporté son lot de pluies : à cette occasion, une vigilance orange pour vents violents a été déclenchée sur l’ensemble de la Grande-Terre et l’on a enregistré de nombreux cumuls voisins de 100 mm en 24 heures.
Figure 12 : Image satellite Himawari-8 et réflectivité radar le 10/04/2021 à 23h loc.
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Le 4 mai 2021 : épisode pluvio-orageux
Dernier phénomène pluvieux de grande échelle de cette saison La Niña, l’épisode orageux du 4 mai 2021 (figure 13) aura encore une fois été responsable d’une vigilance rouge pour fortes pluies et orages sur l’extrême sud de la Grande-Terre. Les cumuls observés en 12 heures au cours de cet épisode ont atteint 430 mm à Yaté ce qui constitue un nouveau record absolu, tous mois confondus, à cette station.
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Bilan des températures entre octobre 2020 et mai 2021
Concernant les températures, comme annoncé en début de saison, elles ont été à l’exception du mois de mars qui est conforme aux normales, systématiquement plus élevées que les normales de saison (figure 14). En cause : des intrusions répétées d’air tropical humide et chaud, plus fréquents cette année du fait de La Niña.
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
En moyenne sur la période octobre 2020 – mai 2021, l’anomalie de température atteint + 0,5 °C. Toutefois, cet écart positif de température s’inscrit également dans une dynamique significative de réchauffement climatique sur le long terme : +1,2 °C en 50 ans, entre 1970 et 2020 (figure 15)
Activité cyclonique au cours de la saison 2020-2021
Sur l’ensemble du bassin Pacifique sud-ouest, l’activité cyclonique a été légèrement inférieure à la normale au cours de cette saison 2020-2021. Au total, on n’a observé que 7 phénomènes entre décembre 2020 et mars 2021 (figure 16), contre 9 à 10 habituellement en moyenne.
Les prévisions saisonnières du Pacifique Sud-Ouest mises en exergue lors du 7ème forum des îles du Pacifique sur les perspectives climatiques en octobre dernier ont toutes donné de bons résultats en termes de nombre de phénomènes observés, qui se situent dans les fourchettes prévues.
Conformément aux conditions La Niña (océan plus froid que d’habitude à l’échelle du bassin Pacifique équatorial tout entier et zone de cyclogenèse déplacée vers le sud), la saison cyclonique s’est révélée moins intense qu’à l’accoutumée. Contrairement à ce qui est observé habituellement dans le Pacifique sud-ouest lors d’une saison La Niña, la zone de formation des cyclones ne s’est pas décalée plus à l’ouest que la normale cette année : 3 phénomènes se sont formés près des côtes australiennes et 4 ont pris naissance entre le Vanuatu et les Samoa.
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Si à l’échelle du bassin tout entier, la saison s’est avérée moins active que d’habitude, il est important de rappeler qu’il suffit malheureusement d’un seul phénomène pour causer des dégâts importants, et qu'il est donc essentiel de rester vigilant et se tenir prêt au passage d’un cyclone quel que soit le niveau d’activité cyclonique prévu en début de saison.
Malgré une saison « normale », le cyclone Yasa a été l'un des événements les plus intenses jamais enregistrés dans le Pacifique au cours des quarante dernières années. Les vents ont atteint 135 kt en moyenne, ce qui le placerait derrière Winston (150 kt en 2016) en deuxième position ex-aequo avec Pam (2015) dans le classement des cyclones les plus violents. Yasa a touché terre le 17 décembre sur l'île de Vanua Levu, provoquant à la population fidjienne un désastre sans précédent depuis le passage de Winston 5 ans plus tôt.
Dans la zone de surveillance de la Nouvelle-Calédonie, avec 4 phénomènes observés au cours de la saison 2020-2021, l’activité cyclonique 2020-2021 a été conforme à celle attendue en situation La Niña. À noter toutefois que sur les 4 phénomènes qui ont concerné la zone de surveillance de la Nouvelle-Calédonie, seuls deux d’entre eux ont eu de réelles conséquences sur le pays : LUCAS en février et NIRAN en mars. De plus, la présence de La Niña cette année a contribué à maintenir un environnement particulièrement perturbé sur la région, environnement qui a donné naissance à de nombreux vortex cycloniques dans la ZCPS (zone de convergence du Pacifique sud) qui, ne disposant pas des conditions suffisantes pour former des cyclones matures, ont le plus souvent avorté avant de donner lieu à des phénomènes tropicaux correctement structurés. La carte d’analyse du 28 janvier 2021 à 23 h (figure 17) illustre parfaitement cette situation, où l’on voit coexister simultanément 5 vortex cycloniques en cours de formation (cercles rouges sur la carte).
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
En termes de records, signalons enfin que Niran se classe aux alentours de la 10ème place des phénomènes cycloniques les plus intenses dans la zone de surveillance de la Nouvelle-Calédonie, à égalité avec Donna (2017). Pour ce qui est des répercussions en Nouvelle-Calédonie, les vents cycloniques enregistrés lors du passage de Niran, jusqu’à 206 km/h en pointe, place le phénomène en 3ème position, derrière Erica (234 km/h en 2003) et Beti (230 km/h en 1996).
Même si Lucas n’a pas atteint le stade de cyclone, la force des vents qui ont soufflé sur les îles Loyautés revêt un caractère exceptionnel pour Ouvéa, Lifou, Tiga et Maré. Les vents enregistrés à Lifou ont atteint 171 km/h, un nouveau record depuis le passage de Donna (162 km/h en 2017). Il en est de même à Maré où on a enregistré jusqu’à 138 km/h, plus que le précédent record, 126 km/h, mesuré pendant le passage de Théodore en 1994. A Ouvéa, le record établi lors du passage de Théodore (151 km/h) tient toujours, les 131 km/h mesurés pendant le passage de Lucas atteignant la seconde place du classement, ex-aequo avec les rafales observées lors du passage de Vania en 2011.