Quelles ont été les conséquences des épisodes El Niño modérés ou forts observés par le passé en Nouvelle-Calédonie ?
La fin d’année 2023 et le début 2024 devraient être placées sous le signe d’un épisode El Niño modéré ou fort. Pour estimer quelles pourraient être les répercussions sur le temps en Nouvelle-Calédonie d’un tel épisode, on analyse les épisodes El Niño modérés ou forts (ONI ≥ +1,0 °C) qui ont déjà eu lieu par le passé : depuis 1955, on a connu 14 épisodes Niño modérés ou forts, soit en moyenne, un tous les 5 ans. Ces épisodes ont eu lieu au cours des étés australs 1957-1958, 1963-1964, 1965-1966, 1968-1969, 1972-1973, 1982-1983, 1986-1987, 1987-1988, 1991-1992, 1994-1995, 1997-1998, 2002-2003, 2009-2010, et 2015-2016.
Il ressort de l’analyse de ces épisodes El Niño, qu’ils ont, en Nouvelle-Calédonie, un effet significatif sur les températures, sur les pluies et sur les régimes de temps.
Effet sur les températures
Les graphiques i-dessous montrent l’évolution des anomalies de températures minimales et maximales observées en Nouvelle-Calédonie au cours des 24 trimestres qui ont encadré la survenue des épisodes El Niño modérés ou forts passés.

Evolution des anomalies de températures minimales trimestrielles (aTn.trim) en Nouvelle-Calédonie, sur une durée de 24 mois, avant, pendant, et après les épisodes El Niño modérés ou forts observés entre 1955 et 2022. (Les lignes continues bleu clair montrent les valeurs des aTn.trim au cours des 15 épisodes passés, la ligne continue bleu foncé indique les valeurs médianes des aTn.trim au cours de ces 15 épisodes, les lignes pointillées représentent quant à elle l’enveloppe des valeurs des aTn.trim comprises entre les quantiles Q25 et Q75.
Ces anomalies sont calculées par rapport à la période de référence centrée 1974-2003).
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie

Evolution des anomalies de températures maximales trimestrielles (aTx.trim) en Nouvelle-Calédonie, sur une durée de 24 mois, avant, pendant, et après les épisodes El Niño modérés ou forts observés entre 1955 et 2022. (Les lignes continues rouge clair montrent les valeurs des aTx.trim au cours des 15 épisodes passés, la ligne continue rouge foncé indique les valeurs médianes des aTx.trim au cours de ces 15 épisodes, les lignes pointillées représentent quant à elle l’enveloppe des valeurs des aTx.trim comprises entre les quantiles Q25 et Q75.
Ces anomalies sont calculées par rapport à la période de référence centrée 1974-2003).
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie
Le 1er graphique montre que dans 75 % des cas, lors des épisodes El Niño modérés ou forts passés, les températures minimales (généralement mesurées la nuit) sont devenues plus basses que la normale, de l’ordre de – 0,5°C, dès le trimestre avril-mai-juin qui a précédé la survenue de ces épisodes. L’écart à la normale des températures minimales s’est intensifié entre octobre et février, avoisinant alors les -1,0°C. Celles-ci ont retrouvé des valeurs conformes aux valeurs de saison au moment de la sortie du phénomène El Niño. Elles sont même devenues légèrement excédentaires, entre juillet et septembre, après la sortie du phénomène.
Concernant les températures maximales (2nd graphique), généralement mesurées l’après-midi), elles ont suivi le même signal de refroidissement que les températures minimales, mais avec de moindres écarts (de l’ordre de -0,5°C). On remarque par ailleurs, qu’au cours des années qui ont suivi la sortie de ces épisodes El Niño, entre juillet et octobre, les températures maximales ont été dans plus de 75 % des cas, plus élevées que la normale.
Effet sur les précipitations
Le graphique ci-dessous montre l’évolution des écarts à la normale des précipitations observées en Nouvelle-Calédonie au cours des 24 trimestres qui ont encadré la survenue des épisodes El Niño modérés ou forts passés.

Evolution des anomalies de précipitations trimestrielles (aP.trim) en Nouvelle-Calédonie, sur une durée de 24 mois, avant, pendant, et après les épisodes El Niño modérés ou forts observés entre 1955 et 2022. (Les lignes continues bleu clair montrent les valeurs des aP.trim au cours des 15 épisodes passés, les barres bleu clair indiquent les valeurs médianes des aP.trim au cours de ces 15 épisodes, les lignes pointillées représentent quant à elle l’enveloppe des valeurs des aP.trim comprises entre les quantiles Q25 et Q75. Ces anomalies sont calculées par rapport à la période de référence 1991-2020).
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie
L’observation de ce graphique montre que dans 75 % des cas, les précipitations ont été déficitaires dès le trimestre août-septembre-octobre situé au début des épisodes El Niño. Ce déficit de pluies s’est intensifié entre octobre et mars, atteignant alors - 35 % en moyenne. Il a perduré ensuite en s’atténuant jusqu’au trimestre avril-mai-juin, où les pluies ont retrouvé des valeurs conformes aux normales.
Effet sur les types de temps
Le graphique i-dessous montre l’évolution des anomalies des types de temps (« alizés stables », « alizés instables » et « temps tropical ») en Nouvelle-Calédonie au cours des 15 trimestres qui ont encadré la survenue des épisodes El Niño modérés ou forts passés.

Evolution des écarts trimestriels à la normale des types de temps en Nouvelle-Calédonie (en pourcentage du nombre de jours par trimestre), sur une durée de 15 mois, avant, pendant, et après les épisodes El Niño modérés ou forts observés entre 1979 et 2022. Les lignes continues vertes, bleues et rouges correspondent respectivement aux valeurs médianes des anomalies de fréquence des Alizés Stables (AS), des Alizés Instables (AI) et des Temps Tropicaux (TT) au cours des 9 épisodes El Niño modérés ou forts survenus entre 1979 et 2022 ; les limites des enveloppes de couleur correspondent aux quantiles Q25 et Q75 de ces anomalies.
Ces anomalies sont calculées par rapport à la période de référence 1991-2020.
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie
L’observation de ce graphique montre que dans 75 % des cas, lors des épisodes El Niño modérés ou forts, le type de temps « alizé stable » a été plus fréquent de +10 % environ et en quasi continu (à l’exception de la période juillet-août-septembre) durant une année entière (du mois de mai qui a précédé l’épisode El Niño jusqu’au mois de mai qui a suivi l’épisode) au détriment des types de temps « alizé instable » et « temps tropical » qui ont connu quant à eux un important recul de l’ordre de – 50 % entre septembre et janvier.
Synthèse
En Nouvelle-Calédonie, les périodes El Niño modérés ou forts se sont caractérisées le plus souvent par :
- Des températures inférieures à la normale (de l’ordre de – 0,5 °C pour les maximales et de ‑1,0 °C pour les minimales) avant et pendant l’épisode El Niño, et des températures plus élevées que la normale (de l’ordre de +0,5 °C pour les maximales et de +0,2 °C pour les minimales) durant les mois qui ont suivi la sortie du phénomène et jusqu’en milieu d’année.
- Une diminution des précipitations entre septembre et mai, avec un maximum de déficit de l’ordre de – 35 % entre octobre et mars.
- Mais aussi par la présence d’un alizé stable plus fréquent (+10 %), au détriment d’un temps tropical et d’un alizé instable en retrait (– 50 %).
En conséquence, lors des années El Niño modéré ou fort, il existe un risque de sécheresse sévère dès septembre et jusqu’en décembre (lors du retour des pluies de la saison humide). Cette sécheresse peut même, selon les années, démarrer dès le mois de mai qui précède la venue du phénomène El Niño. Cette sécheresse, renforcée par un vent sec dû à des alizés plus fréquents, a un impact inévitable sur la ressource en eau, tant pour les usages agricoles que pour la consommation courante. D’autre part, dans ces conditions de sécheresse durables, le risque d’incendie est largement démultiplié.