Rédigé avec l'aide majeure de Chris Landsea
L' « oeil » est une zone à peu près circulaire de vents calmes et de temps clément relatifs située au centre d'un fort cyclone tropical. Bien que les vents soient faibles sur l'axe de rotation, des vents forts peuvent être observés bien à l'intérieur de l'oeil. Il n'y a pas ou peu de précipitations et on peut parfois voir du ciel bleu ou des étoiles. L'oeil est la zone où les pressions sont les plus basses et les températures les plus chaudes en altitude. A une altitude de 12 km, la température dans l'oeil peut être supérieure de 10°C ou plus par rapport à l'environnement proche, alors qu'en surface, cette différence n'est que de 0 à 2°C (Hawkins and Rubsam 1968). La taille de l'oeil varie de 8 km à plus de 200 km, mais la majorité des cyclones ont un oeil de 30 à 60 km de diamètre (Weatherford and Gray 1988).
L'oeil est ceinturé par "le mur de l'oeil", un anneau à peu près circulaire de forte convection qui est la zone où les vents en surface sont les plus violents. L'oeil est constitué d'air subsident (présentant un mouvement descendant) alors que le mur de l'oeil est le siège de nets mouvement ascendants, conséquence de nombreux courants ascendants et descendants modérés (voire forts). Les températures chaudes de l'oeil sont dues à un réchauffement de l'air subsident par compression. La plupart des sondages effectués dans l'oeil montrent que les basses couches sont relativement humides avec une inversion de température au-dessus, ce qui tendrait à démontrer que les couches supérieures d'air subsident de l'oeil n'atteignent pas le sol mais restent cantonnées à une altitude de 1-3 km au-dessus du sol.
L'exact mécanisme de formation de l'oeil reste plus ou moins sujet à controverse. Une hypothèse suggère que la formation de l'oeil est due au gradient de pression dirigé vers le bas associé à l'affaiblissement et au mouvement centrifuge du champ de vent tangentiel avec l'altitude (Smith, 1980). Une autre hypothèse suggère que l'oeil se forme lorsqu'il y a libération de chaleur latente dans le mur de l'oeil, forçant la subsidence au centre de la tempête (Shapiro et Willoughby, 1982). Il est possible que ces deux hypothèses soient compatibles. Dans chaque cas, alors que le mouvement de l'air est subsident, il subit une compression et se réchauffe comparativement à l'air qui se trouve au même niveau en dehors de l'oeil et devient ainsi localement plus léger. Ce mouvement ascendant équilibre approximativement le gradient de pression descendant, de sorte que la subsidence elle-même est produite par une petite force résiduelle.
La convection dans le mur de l'oeil est une autre caractéristique des cyclones tropicaux qui joue probablement un rôle dans la formation et le maintien de l'oeil. Dans les cyclones tropicaux, la convection s'organise en de longues et étroites bandes pluvieuses orientées dans la même direction que le vent horizontal. Ces bandes qui paraissent former une spirale convergeant vers le centre du cyclone sont parfois appelées "bandes spiralées". Le long de ces bandes, la convergence des niveaux inférieurs est maximale et par conséquent, la divergence des niveaux supérieurs est plus prononcée. Une circulation directe se développe dans laquelle l'air chaud et humide converge en surface, monte à travers ces bandes, diverge en altitude avant de redescendre de chaque côté des bandes. La subsidence est répartie sur une large zone à l'extérieur de la bande pluvieuse mais elle est concentrée dans un petit périmètre à l'intérieur. L'air s'assèche par réchauffement adiabatique en s'affaissant. Le réchauffement adiabatique est plus fort sur la partie concave de la bande (où la subsidence est concentrée), ce qui a pour effet de créer un fort contraste dans la chute de pression à travers la bande puisque que l'air chaud est plus léger que l'air froid. La pression chutant sur la partie concave, les vents tangentiels autour du cyclone tropical augmentent avec le gradient de pression. Finalement, la bande converge vers le centre en s'enroulant. L'oeil et le mur de l'oeil se forment (Willoughby 1979, 1990a, 1995).
On peut ainsi expliquer l'absence de nuages dans l'oeil par la combinaison de la force centrifuge vers le mur de l'oeil, et de la subsidence issue de la convection humide dans le mur de l'oeil. Ce sujet nécessiterait davantage de recherche pour déterminer lequel de ces mécanismes est prédominant.
Quelques-uns des cyclones tropicaux les plus intenses présentent des murs concentriques, deux structures(voire plus) situées au centre de la circulation de la tempête (Willoughby et al. 1982, Willoughby 1990a). Alors que le mur intérieur se forme, la convection qui entoure le mur de l'oeil peut s'organiser en anneaux distincts. Finalement, l'oeil intérieur commence à subir les effets de la subsidence qui résulte du mur de l'oeil externe, et le mur de l'oeil interne s'affaiblit, pour être remplacé par le mur de l'oeil externe. Les hausses de pression résultant de la disparition du mur de l'oeil interne sont généralement plus rapides que les chutes de pression engendrées par l'intensification du mur de l'oeil externe, et le cyclone s'affaiblit de lui-même pendant un court laps temps.
Dernière mise à jour le 13 août 2004.