Le mardi 17 mars 2015, Météo-France Nouvelle-Calédonie dresse un premier bilan météorologique du passage du cyclone tropical PAM à proximité de la Nouvelle-Calédonie.
PAM : un cyclone d'intensité exceptionnelle
PAM est beaucoup plus puissant qu’ERICA, cyclone de sinistre mémoire pour bon nombre de Calédoniens. Pour s’en convaincre, il suffit de représenter sur un même graphique les évolutions temporelles respectives des vents moyens maximaux au cours de la durée de vie des deux phénomènes. Sur la figure ci-dessous, les traits verticaux gris symbolisent les instants où ERICA et PAM se sont le plus approchés de Nouméa et de Port-Vila respectivement. En analysant le graphique, on se rend compte qu’ERICA s’est beaucoup « promené » sur la mer de Corail avant d’atteindre son intensité maximale au bout de 275 h environ, alors que le cyclone PAM s’est intensifié constamment pour atteindre son paroxysme au bout de 150 h seulement. C’est d’ailleurs à ce moment que le centre du cyclone s’est trouvé au plus près de Port-Vila à environ 50 km. On estime qu’alors, les vents moyens en surface au niveau du mur de l’œil ont atteint 135 kt (250 km/h). Lors du passage d'ERICA, bien que la vitesse des vents ait atteint 115 kt (213 km/h) au maximum, c’est en phase d’atténuation que le phénomène a survolé la capitale calédonienne, les vents moyens atteignant alors 90 kt (167 km/h).
Se situant à l’ouest de la trajectoire de PAM, la Nouvelle-Calédonie a échappé en grande partie aux effets destructeurs de ce cyclone exceptionnel.
Evolution temporelle de la vitesse moyenne maximale des vents de surface pour les cyclones ERICA et PAM. Les points représentent les estimations réalisées par les météorologues à partir des données observées. Entre les points les vitesses sont interpolées d’après la méthode de James B. Elsner (http://rpubs.com/jelsner/). Source : spearTC, Météo-France.
Sur le Caillou, des précipitations notables sans caractère exceptionnel
PAM était précédée de bandes convectives, générant sur la Nouvelle-Calédonie des amas orageux dans un flux de sud-est. Les premières pluies occasionnées par le cyclone se sont produites vendredi 13 en fin de matinée. Cette première « vague » de précipitations a donné des cumuls notables, surtout en fin d’après-midi. A Poindimié par exemple, il est tombé 21,4 mm en une heure entre 17h et 18h (voir image radar du 13/03/15 ci-dessous). Durant la nuit du 13 au 14, PAM se rapproche de la Nouvelle-Calédonie. Les bandes convectives se succèdent en s’intensifiant et balayent le pays du sud-est vers le nord-ouest. Celles-ci apportent alors des pluies modérées à localement intenses. Le relief de l’extrême sud de la Grande Terre et de la côte Est par endroits ainsi que l’île de Maré enregistrent les plus forts cumuls durant la journée du 13 (du 13 mars à 05 h au 14 mars à 05 h). Le cumul le plus élevé est mesuré à la station de Montagne des Sources avec 98,4 mm. La station de Dumbéa la talonne avec 81,3 mm. Enfin, les pluviomètres enregistrent 52,2 mm à La Roche et au Col des Roussettes. |
14 mars 2015 à 15 h loc : composition colorée produite à partir des images du satellite MT-SAT2 |
Mosaïque radar le 13 mars 2015 à 18 h locales |
Mosaïque radar le 14 mars 2015 à 11 h locales |
Durant la journée du 14, les précipitations s’intensifient notablement. Comme pour la journée du 13, les zones les plus affectées sont localisées sur le relief de la Grande Terre, notamment dans l’extrême sud, ainsi qu’à Maré. C’est d’ailleurs à La Roche que les cumuls sont les plus élevés, que ce soit en une heure ou sur 24 h. Le pic d’intensité se produit entre 09 h et 10 h avec un cumul en une heure de 34,5 mm. La station mesure un cumul de 169,8 mm en 24 h (du 14 mars 05 h au 15 mars 05 h). Cette quantité est un nouveau record de précipitations en une journée à la station pour un mois de mars. Le précédent record date de mars 1998 avec une quantité de 151,8 mm.
Malgré l’importance du phénomène et de certains cumuls, nos premières analyses statistiques montrent que les précipitations ne revêtent pas de caractère exceptionnel.
Cumuls de précipitations des stations automatiques entre le 13 mars 05 h et le 15 mars 05 h locales
Une activité orageuse de faible intensité
Le cyclone PAM a généré une faible activité électrique sur le pays, tant en intensité qu’en nombre d’arcs électriques. Sur l’ensemble de l’épisode, le plus grand nombre d’arcs électriques a été enregistré le 13 mars. Cependant, durant cette journée, le réseau n’a détecté que 806 arcs électriques (nuage-sol et intra-nuage) en Nouvelle-Calédonie dans un rayon de 300 km. A titre de comparaison, lors du dernier épisode pluvio-orageux du 23 au 25 février, on avait dénombré près de 144 000 arcs électriques le 24 !
Les orages se sont essentiellement produits entre le vendredi 13 et le samedi 14 mars. Ils ont principalement concerné le nord-est de la Grande Terre entre les communes de Ponérihouen et de Poum, ainsi que Lifou et Maré comme le montre la figure ci-dessous. L’amplitude moyenne a le plus souvent été inférieure à 17 kA, ce qui correspond à une faible activité. Les pics d’intensité ont été enregistrés sur le relief, avec une amplitude moyenne maximale n’excédant pas 35 kA. Malgré la puissance de PAM, les orages générés sur le pays n’ont donc pas été si violents puisque l’amplitude n’a pas dépassé 50 kA.
Nombre d’arc électriques (nuages-sol et intra-nuages) sur une maille de 10 km² enregistrés le vendredi 13 mars 00h UTC et le samedi 14 mars 00h UTC.
De fortes rafales de vent sur le Sud et Maré
Le pays est resté à l’écart des vents les plus destructeurs du cyclone. En effet, le rayon d’action du vent le plus important et le plus dangereux se trouvait dans le demi-cercle est du phénomène. Or l’ensemble du pays se trouvait dans le demi-cercle ouest, partie dite « maniable » du cyclone. Cependant, le centre de PAM est tout de même passé au plus près à environ 150 km à l’est de Maré le samedi 14, avant de poursuivre sa route vers le sud. Les rafales ont donc été très fortes sur le sud du pays et l’île de Maré durant son passage à l’est.
Les premiers coups de vent se font sentir dès vendredi soir avec des rafales atteignant déjà les 80 à 90 km/h localement dans le sud de la Grande-Terre lors des passages des premières bandes convectives. Puis, lors de la journée du samedi 14, le vent s’intensifie très significativement avec de fréquentes rafales de 90 à 100 km/h en Province Sud, notamment à Nouméa, Phare Amédée et Goro et jusqu’à 102 km/h à Moué sur l’île des Pins. Ces rafales ont même été localement plus violentes par effet de relief dans la chaîne avec par exemple 138 km/h mesurés du côté de Montagne des Sources, mais aussi aux sorties de vallées comme à Bouraké et ses 115 km/h.
Mais c’est bien à Maré que le vent a soufflé le plus fort avec 70 km/h en vent moyen et 120 km/h en rafales mesurés à la Roche. Il est d’ailleurs probable que ces rafales aient atteint des valeurs supérieures, proches de 140 km/h par endroit puisque les vents moyens mesurés par satellites au sud et à l’est immédiat de l’île ont affiché des valeurs dépassant les 80 km/h.
Rafales maximales enregistrées entre le vendredi 13 mars 05h locales
et le dimanche 15 mars 05h locales.
État de la mer et submersion marine
La surcote est la différence entre le niveau de la mer observé pendant le phénomène météorologique en cours et le niveau de la mer qui existerait en présence de la marée astronomique seule.
Dans le cas d’un cyclone, la surcote, appelée également onde de tempête, est générée par les vents forts et la baisse de pression au niveau de la mer. Les ondes de tempête sont particulièrement dangereuses s'il y a conjonction avec la marée haute. On parle dans ce cas d’une marée de tempête. C’est ce phénomène de surélévation du niveau de la mer qui peut causer des submersions marines à la côte, et occasionner des inondations et destructions sur côtes basses et terres basses à proximité. La submersion marine due à la surcote peut aussi être accentuée par d’autres conséquences du cyclone comme la forte houle ou la crue d’une rivière.
Schéma illustrant le phénomène de submersion marine dû à la conjonction d’une marée haute, d’une surcote et du déferlement de la houle. La surcote est l’élévation du niveau de la mer due à : (1) l’accumulation sur la côte de l’eau poussée par les vents extrêmes dans le sens de la flèche verte ; (2) la baisse de la pression atmosphérique (L) sur la surface de la mer. Le run-up correspond à l’accumulation momentanée de l’eau sur le rivage causée par le déferlement d’une vague (houle). Le zéro hydrographique est le niveau de référence des cartes marines et des annuaires de marée.
En raison de la dépression très creuse en son centre (896 hPa au minimum) et des vents violents qu’il a généré, le cyclone PAM a soulevé une importante onde de tempête et provoqué un état de mer extrêmement dangereux, particulièrement dans le demi-cercle des vents les plus forts à l’est. L’ampleur des destructions causées par la mer au Vanuatu témoigne de l’intensité de la submersion marine occasionnée sur cet archipel.
Certes la Nouvelle-Calédonie n’a pas connu de submersion aussi ravageuse, mais malgré la distance, l’onde de tempête et la très forte houle ont atteint la côte Est et les Loyauté, notamment Maré qui était l’île la plus proche de PAM.
En effet, les hauteurs de vague prévues par nos modèles s’élevaient entre 5 et 7 m en moyenne à l’est de Maré pour la journée de samedi. Cette prévision a été par la suite confirmée par des témoins.
Etat de la mer totale prévue par le modèle européen CEP pour
l’après-midi du samedi 14 mars
Quant à la surcote, le marégraphe de Maré, situé à l’abri du coté ouest de l’île, a mesuré une élévation d’environ 50 à 60 cm de hauteur dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14. A titre de comparaison, on estime à l’aide de simulations numériques que la surcote maximale aux îles Vanuatu lors du passage de Pam a pu atteindre 1m50.
C’est donc finalement en raison de la houle et de la surcote que la mer a envahi la route longeant le bord de mer de Kurin à Patho dans le district de Pénélo à l’est de Maré, comme nous l’ont rapporté des témoins présents sur place. Il s’agit en effet d’une partie basse de l’île, le niveau de cette route s’élevant environ 5 à 7 m au-dessus du niveau de la mer.
Sur les sites plus abrités à l’ouest, la mer a atteint la route qui passe par Wabao au fond de la baie de Niri en fin d’après-midi. Elle est passée également par-dessus la digue de Tadine.
Niveau de la mer mesuré par le marégraphe de Maré entre le 13 et le 15 mars.
Source : SHOM – IOC/UNESCO. Source : http://www.ioc-sealevelmonitoring.org
Une submersion plus importante aurait pu se produire si l’onde de tempête de PAM s’était produite à marée haute. En effet, les trains de vagues les plus forts et les plus hauts générés par le cyclone PAM ont atteint la zone géographique de l’île au cours de l’après-midi du samedi 14, au moment où la marée redescendait.