Le passage du cyclone tropical OLA a laissé derrière lui une masse d’air particulièrement chaude et humide sur la région depuis fin janvier. Si l’on ajoute à cela une mer anormalement chaude, on comprend pourquoi ces derniers jours le mercure a atteint des niveaux très hauts en journée et surtout durant la nuit. D’ailleurs de nombreux records absolus de températures minimales sont tombés ! Aucune commune du pays n’a été épargnée par cette vague de chaleur nocturne, particulièrement difficile à supporter au moment de s’endormir.
Quelques valeurs enregistrées par nos stations automatiques
Ecarts à la normale des températures mini et maxi quotidiennes du 1er janvier au 8 février 2015 | |
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Températures extrêmes enregistrées du 15 janvier au 8 février inclus
(en rouge, les nouveaux records absolus de Tmin les plus élevés)
Stations |
Tmax la plus élevée |
Tmin la plus élevée |
---|---|---|
Nouméa | 35,9 °C | 27,5 °C |
Phare Amédée | 34,0 °C | 27,8 °C |
La Coulée | 35,9 °C | 27,2 °C |
Dumbéa | 35,5 °C | 28,0 °C |
La Foa | 35,0 °C | 25,9 °C |
Bourail | 34,3 °C | 25,9 °C |
Koné | 33,2 °C | 27,5 °C |
Koumac | 33,0 °C | 26,6 °C |
Hienghène | 34,2 °C | 25,4 °C |
Poindimié | 33,1 °C | 26,1 °C |
Houaïlou | 33,6 °C | 25,7 °C |
Ouanaham | 32,0 °C |
27,2 °C (record de février battu) |
La Roche | 31,8 °C | 27,3 °C |
Des températures maximales élevées
Entre le 15 janvier et le 8 février 2015 inclus, les journées ont été très chaudes puisqu’elles ont dépassé les normales de 2 à 3 °C en moyenne sur le pays.
La température maximale la plus élevée mesurée durant cette période est de 35,9 °C. Cette valeur a été atteinte à Nouméa le 2 février et à La Coulée les 26 et 27 janvier.
Néanmoins, aucun record n’a été égalé ou dépassé au cours de ces après-midi. Pour Nouméa et La Coulée par exemple, la température aurait dû atteindre 36,4 °C à Nouméa pour égaler le record de février 1991, et elle aurait dû grimper jusqu’à 36,7 °C pour égaler le record de janvier 2001.
Des températures minimales record
Les minimales ont été exceptionnelles sur tout le pays durant la période. Il faut remonter à 1995 pour retrouver un temps aussi chaud la nuit pendant plusieurs jours d’affilés.
Les températures ont commencé à grimper significativement au dessus des normales saisonnières à partir du 30 janvier avec une moyenne pour l’ensemble des stations d’environ 24 °C. Mais c’est surtout durant le début du mois de février qu’elles deviennent intenables. En effet, entre le 2 et le 5 février, la moyenne dépasse les 25 °C, soit +3 °C au-dessus des normales de saison.
Du 31 janvier et jusqu’au 5 février, beaucoup de records absolus sont tombés. A l’échelle du pays, la nuit la plus chaude est celle du 1er au 2 février avec une moyenne de 26 °C ! C’est durant cette même nuit qu’on enregistre les nouveaux records absolus de Koné et du Phare Amédée avec 27,5 °C et 27,8 °C respectivement ! La nuit du 4 au 5 février a été aussi particulièrement éprouvante pour les citadins de la capitale puisqu’on y a enregistré 27,5 °C ! C’est d’ailleurs le nouveau record absolu pour la station du Faubourg Blanchot ouverte à la fin des années 1940. A la tribu de La Roche à Maré, les habitants on dû faire face pendant leur sommeil à une chaleur accablante puisque le thermomètre de la station a atteint un nouveau record absolu : 27,3 °C. De nombreuses autres stations enregistrent leurs nouveaux records absolus pendant cette période, comme l’illustre le tableau ci-dessous.
Depuis le samedi 7 février, les températures sont sensiblement redescendues avec le retour d’une masse d’air moins chaude et plus sèche. La moyenne des températures minimales avoisine depuis lors 24 °C, soit +2 °C au-dessus de la normale mensuelle. Si les conditions atmosphériques sont redevenues supportables pour les Calédoniens depuis le week-end dernier, on le doit surtout au retour de l’alizé qui a un effet bénéfique sur la sensation de chaleur.
Une simple vague de chaleur ? Non, un raz-de-marée !
En brousse, aux îles et à Nouméa, que l’on soit jeune ou âgé, la perception est la même : « on n’a jamais connu une telle chaleur sur une période aussi longue ! ». Les relevés météorologiques confirment-ils de manière objective ce ressenti ? Des records de températures minimales ont certes été battus, mais peut-on dire pour autant que cet épisode revêt un caractère exceptionnel ?
Avant de répondre à cette question, il importe tout d'abord de s'accorder sur la définition d'un épisode de forte chaleur à l'échelle de la Nouvelle-Calédonie.
On peut avoir une bonne représentation des variations quotidiennes de la température minimales à l'échelle du pays en analysant l'évolution des températures minimales mesurées chaque jour à Nouméa, Bourail, Koumac, Poindimié et Houaïlou. Ainsi, chaque jour, la moyenne des températures minimales mesurées à ces stations définit ce qu'on peut appeler un indicateur thermique minimum pour l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie.
Pour qu'une chaleur excessive soit qualifiée de forte, les météorologues considèrent qu'il faut que les températures observées égalent ou dépassent un seuil prédéfini pendant un certain nombre de jours consécutifs. Pour la présente analyse qui concerne la chaleur ressentie la nuit en Nouvelle-Calédonie, on peut retenir la définition suivante :
"Un épisode de forte chaleur nocturne débute sur le pays dès lors que la moyenne sur 3 jours de l'indicateur thermique minimum est supérieure ou égale à 24,9 °C. "
Ce seuil est défini de telle sorte qu'il soit dépassé pour 0,5 % des nuits depuis 1970.
Une fois la date de démarrage de l'épisode identifié, on caractérise la vague de chaleur à l'aide de 3 paramètres :
- sa durée, soit le nombre de nuits consécutives pendant lesquelles le seuil a été égalé ou dépassé ;
- son intensité maximale, c'est-à-dire la plus forte valeur atteinte par l'indicateur thermique moyenné sur 3 jours ;
- son ampleur, définie comme la somme des écarts à la valeur de référence (24,9 °C).
A partir de cette définition, nous avons identifié 29 épisodes de forte chaleur nocturne entre le 1er janvier 1970 et le 9 février 2015.
Leurs caractéristiques figurent dans le tableau ci-dessous.
Caractéristiques des 29 épisodes de forte chaleur nocturne identifiés entre le 1er janvier 1970 et le 9 février 2015
Année | Début | Fin | Durée | Intensité max | Ampleur |
---|---|---|---|---|---|
1978 | 8 février | 9 février | 2 jours | 25,2 °C | 0,6 °C |
1980 | 10 janvier | 11 janvier | 2 jours | 25,2 °C | 0,5 °C |
1980 | 19 février | 20 février | 2 jours | 25,5 °C | 1,1 °C |
1982 | 3 février | 5 février | 3 jours | 25,6 °C | 1,6 °C |
1983 | 20 janvier | 20 janvier | 1 jour | 25,0 °C | 0,1 °C |
1986 | 26 janvier | 26 janvier | 1 jour | 24,9 °C | 0,0 °C |
1988 | 2 mars | 3 mars | 2 jours | 25,0 °C | 0,1 °C |
1990 | 15 mars | 16 mars | 2 jours | 25,3 °C | 0,7 °C |
1992 | 12 janvier | 15 janvier | 4 jours | 25,5 °C | 2,0 °C |
1992 | 12 mars | 12mars | 1 jour | 24,9 °C | 0,0 °C |
1993 | 1er mars | 2 mars | 2 jours | 25,8 °C | 1,0 °C |
1995 | 5 mars | 12 mars | 8 jours | 25,8 °C | 3,9 °C |
1996 | 19 avril | 20 avril | 2 jours | 25,0 °C | 0,2 °C |
1997 | 5 mars | 6 mars | 2 jours | 25,0 °C | 0,5 °C |
1999 | 27 février | 27 février | 1 jour | 24,9 °C | 0,0 °C |
2001 | 22 février | 23 février | 2 jours | 25,8 °C | 1,2 °C |
2002 | 8 janvier | 10 janvier | 3 jours | 25,4 °C | 0,8 °C |
2002 | 26 janvier | 28 janvier | 3 jours | 25,3 °C | 0,9 °C |
2002 | 12 février | 14 février | 3 jours | 25,5 °C | 0,9 °C |
2003 | 3 mars | 3 mars | 1 jour | 25,0 °C | 0,1 °C |
2004 | 3 février | 6 février | 4 jours | 25,1 °C | 0,1 °C |
2004 | 26 février | 28 février | 3 jours | 24,9 °C | 0,1 °C |
2004 | 24 mars | 25 mars | 2 jours | 25,0 °C | 0,2 °C |
2005 | 9 janvier | 9 janvier | 1 jour | 24,9 °C | 0,0 °C |
2005 | 29 janvier | 31 janvier | 3 jours | 25,0 °C | 0,2 °C |
2008 | 6 janvier | 10 janvier | 5 jours | 25,4 °C | 1,3 °C |
2010 | 20 janvier | 21 janvier | 2 jours | 25,3 °C | 0,7 °C |
2011 | 31 janvier | 2 février | 3 jours | 25,5 °C | 1,0 °C |
2015 | 1er février | 7 février | 7 jours | 25,9 °C | 4,2 °C |
La chaleur ressentie par les Calédoniens au début du mois de février 2015 figure bel et bien dans cette liste : le seuil des 24,9 °C a été franchi du 1er au 7 février 2015. Durant ces nuits, la vague de chaleur a atteint une intensité maximale de 25,9 °C et son ampleur sur la période vaut 4,2 °C.
On peut également analyser ces résultats à l'aide d'un graphique à bulles, comme ci-dessous. Chaque bulle représente un épisode. Les coordonnées du centre sont la durée (en abscisse) et l'intensité maximale (en ordonnée) de l'épisode. Le diamètre d'une bulle symbolise l'ampleur de l'épisode, les bulles les plus grandes représentant les vagues de chaleur nocturne les plus sévères.
Diagramme à bulles caractérisant les 29 derniers épisodes de fortes chaleurs nocturne.
Chaque bulle représente un épisode. Les coordonnées du centre de chaque bulle sont la durée (en abscisse) et l'intensité maximale (en ordonnée) de l'épisode. Le diamètre d'une bulle symbolise l'ampleur de l'épisode, les bulles les plus grandes représentant les vagues de chaleur nocturne les plus sévères.

Le graphique met clairement en évidence que la vague de chaleur de février 2015 est exceptionnelle par sa durée. Quant à son ampleur et à son intensité maximale, elles sont tout bonnement inégalées depuis 1970.
En plus de l'épisode qui vient de s'achever, un autre se démarque par sa sévérité et sa durée. Il s'agit de celui qui s’est produit du 5 au 12 mars 1995.
Grâce au tableau, on remarque également qu'au fil des années, la fréquence de tels épisodes a augmenté. Cette tendance est une illustration supplémentaire du réchauffement du climat de la Nouvelle-Calédonie en particulier et du Pacifique Sud-Ouest en général, comme l’ont souligné de récentes études scientifiques (Cavarero et al. 2012, Whan et al. 2014).