Rédigé par Chris Landsea

Le gouvernement des Etats-Unis a autrefois soutenu un projet de recherche sur les méthodes pour modifier les ouragans, appelée Projet STORMFURY. Pendant quelques décennies, la NOAA et ses prédécesseurs ont tenté d'affaiblir des ouragans en lâchant de l'iodure d'argent, une substance qui sert de véritable noyau de congélation, dans les bandes pluvieuses des tempêtes. Pendant les années qu'a duré STORMFURY, les scientifiques ont ensemencé les nuages des ouragans ESTHER (1961), BEULAH (1963), DEBBIE (1969) et GINGER (1971). Les expériences se sont déroulées en plein Atlantique, loin des terres. L'ensemencement de STORMFURY ciblait les nuages convectifs situés juste à l'extérieur du mur de l'oil de l'ouragan afin d'essayer de former un nouvel anneau de nuages qui, on l'espérait, allait entrer en compétition avec la circulation naturelle de la tempête et affaiblir cette dernière. L'idée était que l'iodure d'argent allait augmenter les orages d'une bande pluvieuse en provoquant la congélation d'une eau surfondue, et ainsi libérer la chaleur latente de fusion et aider la bande pluvieuse à se développer aux dépens du mur de l'oil. Avec une convergence affaiblie vers le mur de l'oil, les vents forts du centre s'affaibliraient également un peu. Pour que l'ensemencement des nuages soit efficace, les nuages doivent contenir suffisamment d'eau surfondue (de l'eau qui est restée liquide à une température inférieure au point de congélation, soit 0°C). Idée intéressante, mais qui, en fin de compte, présentait un grave défaut. Les observations effectuées dans les années 1980 ont montré que la plupart des ouragans ne contiennent pas suffisamment d'eau surfondue pour que l'ensemencement STORMFURY fonctionne : la force ascensionnelle est relativement faible dans la convection des ouragans et les courants ascendants proportionnellement limités par rapport à ce qu'on peut observer dans les super-cellules ou les multicellules continentales des moyennes latitudes.

De plus, il a été découvert que les ouragans qui n'avaient pas été ensemencés formaient des mur de l'oil extérieurs de façon naturelle, exactement comme l'auraient fait ceux qui ont été ensemencés, selon les scientifiques de STORMFURY. Ce phénomène rend quasiment impossible la différentiation entre les (éventuels) effets de l'ensemencement et les changements naturels. Les réductions de l'intensité constatées lors du peu d'ensemencements réalisés étaient sans nul doute dues à ce qu'on appelle aujourd'hui les « cycles de murs de l'oil concentriques ». Ainsi, la nature accomplit ce que la NOAA avait espéré réaliser artificiellement. Pas étonnant qu'on ait considéré les premières et rares expériences comme des succès. Les résultats des expériences d'ensemencement ayant été aussi peu probants, STORMFURY a été abandonné. Un comité spécial de la National Académie os Sciences (académie nationale des sciences) a conclu qu'une meilleure compréhension des phénomènes physiques se produisant au sein des ouragans était nécessaire avant de poursuivre toute expérience de modification. A l'heure actuelle, l'objectif principal de la Hurricane Research Division (division de recherche sur les ouragans) de la NOAA est de mieux comprendre la physique des ouragans et d'en améliorer la prévision. Pour en savoir plus sur le projet STORMFURY comme on l'appelait, lire Willoughby et al. (1985).


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