À un mois d’intervalle, deux coups d’ouest ont touché la Nouvelle-Calédonie en 2017, le 20 juillet puis les 19 et 20 août, faisant de nombreux dégâts sur des bateaux au mouillage. Pendant ces deux épisodes, le vent s’est renforcé pendant quelques heures, voire un peu plus de 24 heures dans le second cas, avec des vents moyens autour de 25 nœuds, et des rafales maximales mesurées à près de 50 nœuds (90 km/h) à Nouméa. Ces valeurs ne sont pourtant pas excessives : on est loin des mesures effectuées, par exemple, pendant le cyclone Cook en avril 2017 : 129 km/h, d’est, à Nouméa, 183 km/h, de sud, à Nessadiou. Les vents extrêmes sont en effet observés au passage des dépressions et cyclones tropicaux, le record absolu étant 234 km/h, enregistré à Koniambo pendant le cyclone Erica en mars 2003. Même si la saison chaude reste la période la plus dangereuse, des vents forts peuvent aussi se produire en saison fraîche, à cause, d’une part, de dépressions des latitudes tempérées, et d’autre part, de dépressions subtropicales.

Les ports exposés aux coups d’ouest

Comme leur nom l’indique, c’est la direction du vent qui contribue à rendre les coups d’ouest dangereux. Le vent dominant en Nouvelle-Calédonie est en effet l’alizé, que l’on peut définir comme les vents orientés de secteur est à sud sud-est, établis à au moins 10 nœuds et soufflant de façon régulière. Ils sont générés par l’anticyclone de la mer de Tasman ou par celui des Kermadec. Les ports et la plupart des mouillages sont bien protégés dans les situations d’alizé qui se rencontrent environ dans 70 % du temps. Ce n’est pas le cas en revanche quand le vent s’oriente dans d’autres secteurs, notamment à l’ouest.

Les coups d’ouest les plus violents peuvent avoir de sérieuses conséquences matérielles. Ne rencontrant aucun obstacle pour l’atténuer, le vent pousse les bateaux au mouillage et tend les amarres. Les vagues, plus ou moins formées selon le fetch(1), viennent secouer les bateaux et il peut arriver que les pièces les plus fragiles lâchent (une manille ou un maillon de chaîne affaibli par la rouille, un cordage). Les embarcations partent alors à la dérive, menaçant parfois d’emporter d’autres unités sur leur passage. C’est ainsi que des bateaux finissent échoués sur les rochers de la baie de l’Orphelinat, comme en juillet et août derniers.

Certains ont pu éviter le pire en restant sur leur bateau pendant le coup de vent et en luttant pour le garder à flot. Certains qui n’habitent pas dessus étaient venus à bord pour être réactifs en cas de problème. Les plus prudents avaient quitté les mouillages exposés pour s’abriter par exemple à Nouville. Dans tous les cas, il est conseillé de vérifier régulièrement l’état de l’ensemble du mouillage en plongeant jusqu’au corps-mort. La grande majorité des bateaux au mouillage à Nouméa semblent suffisamment bien entretenus et surveillés, puisque huit bateaux se sont échoués suite au coup d’ouest d’août 2017, sur environ 300.

Fréquence des coups d’ouest

D’après une recherche dans les archives des Nouvelles Calédoniennes à la bibliothèque Bernheim, il faut remonter à juillet 2008 pour trouver le dernier coup d’ouest responsable de dégâts : huit bateaux aussi avaient été envoyés à la côte.

Pourtant, ces épisodes ne sont pas aussi espacés. On peut les repérer en étudiant les relevés horaires de vent des postes météorologiques du Phare Amédée et de Nouméa, en se limitant à la saison fraîche, de mai à octobre, et aux périodes pendant lesquelles :
– la direction du vent moyen est comprise entre 200° et 320° (sud sud-ouest à nord-ouest),
– soit la force du vent moyen(2) est supérieure à 25 nœuds, soit la force du vent instantané est supérieure à 35 nœuds.

Depuis 2000, le nombre de ces épisodes oscille entre 0 et 4 par an, avec une moyenne de 1,5 par an.
Le pic se situe en mai, juin et juillet.

La Nouvelle-Calédonie, inégalement impactée par les coups d’ouest

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Figure 1 : Statistiques des vents d’ouest en saison fraîche sur la période de mai 2000 à août 2017.

Le nombre d’occurrences décroît en montant vers le nord, comme le montre la figure 1. Le nombre de jours où le vent instantané dépasse 30 nœuds (55 km/h) varie entre 9 à Koumac et 115 à la Montagne des Sources (où le vent est notoirement accéléré, car le poste est situé à 780 m d’altitude). En revanche, il n’y a pas de lien évident entre les valeurs maximales de vent instantané et la latitude du poste. On relève d’ailleurs la même valeur maximale pour les deux postes les plus éloignés du nord au sud, sur Bélep et l’Île des Pins. Les différences sont au contraire notables pour deux postes très proches Magenta et Nouméa (Faubourg Blanchot). En effet, les mesures de vent sont très sensibles aux effets locaux et donc à la nature du terrain autour du poste d’observation.
Comme les dépressions qui produisent des vents d’ouest passent au sud de la Grande Terre, ou descendent vers le sud, les vents forts sont plus fréquents sur le sud de la côte Ouest et l’Île des Pins, sans négliger pour autant leur impact plus au nord ou aux Loyauté, puisque l’on peut y observer ponctuellement des vents presque aussi forts.

Par ailleurs, le manque d’observations sur la côte Est ne permet pas d’inclure des données dans ces statistiques, mais des dégâts ont déjà été signalés, notamment à Pouébo en juin 2004, par des rafales estimées à 100 km/h. On sait également que le renforcement du vent est sensible quand il est canalisé et accéléré dans certaines vallées orientées dans le sens du flux. La vallée de la Thio par exemple est propice à ce phénomène.

Dans quelles situations météorologiques les coups d’ouest se produisent-ils ?

On peut distinguer deux cas : d’une part, quand une dépression des latitudes tempérées circule en mer de Tasman, et d’autre part, quand une dépression subtropicale se forme sur la mer de Corail et descend ensuite en passant au sud-ouest de la Grande Terre.

Les épisodes de juillet et août derniers par exemple étaient liés à des dépressions circulant en mer de Tasman.
En saison fraîche, le régime perturbé d’ouest se met en place sur la mer de Tasman : les fronts froids « classiques », plus ou moins atténués, touchent la Nouvelle-Calédonie, dirigeant un courant d’ouest à sud, pendant un ou deux jours, rarement plus, mais la grande majorité s’accompagne seulement de vents modérés et du passage d’une bande nuageuse plus ou moins pluvieuse. Dans certaines conditions, le vent atteint une intensité plus élevée et provoque un coup d’ouest.

La situation de juillet 2017 illustre ce cas (voir la figure 2) :
Le 19 à 11 heures, une dépression à 997 hPa, à l’ouest de la Nouvelle-Zélande, est associée à un front froid actif qui remonte jusqu’au large de Brisbane.
Le 20 à 11 heures, au moment du pic d’intensité, le front froid aborde le sud de la Grande Terre et le gradient de pression est bien resserré entre la dépression qui s’est creusée à 985 hPa et la dorsale qui s’étire depuis l’anticyclone sur l’Australie vers la Nouvelle-Calédonie. On note de plus la présence d’une ondulation du jet en altitude qui suit la dépression au sol, favorisant son creusement et par conséquent le renforcement des vents.
Enfin, la dépression se décale vers l’est et les conditions anticycloniques reprennent rapidement le dessus dans l’après-midi du 20.

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Figure 2 : Situation le 19/07/2017 à 11 heure locale et le 20 à 11 heure locale.

L’épisode du 11 au 14 juin 2012 a, lui, été causé par une dépression subtropicale. Ces dépressions sont assez rares, mais assez puissantes quand elles surviennent, et elles sont responsables d’une part non négligeable des coups d’ouest. Elles peuvent provoquer également de fortes pluies. Elles se produisent en saison fraîche, car le moteur n’est pas le contenu en chaleur de la mer comme pour les phénomènes cycloniques, en saison chaude, mais plutôt la différence de température entre l’air chaud en mer et l’air froid en altitude.
Le 10 à 11 heures, en mer de Corail, la situation initiale se caractérise par un flux convergent dans une masse d’air humide où l’on observe de la convection profonde (voir la figure 3). Une perturbation d’altitude vient forcer dans cette zone de convection le creusement d’une dépression qui prend des caractéristiques subtropicales, à savoir un cœur chaud surplombé par de l’air froid à très haute altitude.
Le 12 à 11 heures, la dépression s’est creusée à 987 hPa. Elle passe au plus près à environ 400 km au sud-ouest de Nouméa. Les vents les plus forts se situent au sud du centre, où le gradient de pression est le plus fort, à cause de la présence du fort anticyclone en mer de Tasman.
Finalement, la dépression subtropicale s’évacue vers l’est le 14 et les vents s’orientent au sud en faiblissant.

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Figure 3 : Situation le 10/06/2012 à 11 heure locale, le 12 à 11 heure locale et le 14 à 11 heure locale.

Pour finir, on peut observer aussi en toute saison, de forts vents d’ouest causés ni par un cyclone tropical, ni par une des dépressions présentées ci-dessus. Il suffit d’un puissant orage, d’une ligne de convergence ou d’une ligne de grain. Le phénomène est plus bref et touche une zone plus réduite, mais le vent peut temporairement dépasser les 40 nœuds.

Suivi et prévision des coups d'ouest par le service météo

Le service météorologique de Nouvelle-Calédonie émet un BMS lagon(3) si le vent moyen dépasse 27 nœuds (soit 7 Beaufort).
La vigilance météorologique, émise par Météo-France en collaboration avec la Sécurité Civile, est une information destinée à toute la population et ne s’adresse pas spécifiquement aux usagers de la mer comme les BMS. Elle prend en compte la vulnérabilité, donc une vigilance jaune peut être émise pour des vents forts d’ouest inférieurs à 27 nœuds, alors que des vents de même intensité de secteur sud-est n’auraient pas justifié de vigilance jaune, car ils présentent une menace bien moindre.

Aujourd’hui, les modèles numériques de prévision(4) sont capables de bien représenter ce type de dépressions, plus facilement que les phénomènes de plus petite échelle comme des lignes de grain ou des orages. Il reste des erreurs de chronologie de quelques heures ou des erreurs d’intensité de quelques nœuds pour la prévision des coups d’ouest, mais les modèles actuels permettent bien de prévoir le renforcement du vent.

Notes :

(1) fetch : distance en mer au-dessus de laquelle souffle le vent sans rencontrer d’obstacle. Cette notion permet de comprendre la hauteur des vagues de la mer du vent. Toutes choses étant égales par ailleurs, plus le fetch est important, plus la hauteur des vagues sera grande. À l’intérieur du lagon, l’état de la mer est influencé seulement par le vent, la houle du large étant arrêtée par le récif. Le fetch dans le lagon est donc la distance depuis le récif ou depuis l’obstacle le plus proche, dans la direction d’où souffle le vent.

(2) Le vent météorologique

(3) Qu'est-ce qu'un BMS

(4) modèles numériques de prévision : programmes complexes ayant pour but de prévoir l’évolution des différents paramètres atmosphériques (vent, humidité, température, etc). Ils sont basés sur les lois physiques du comportement de l’atmosphère et sont alimentés par toutes les observations disponibles). Prévision numérique

Légende :

Sur les images satellitaires, les zones blanches indiquent la présence de nuages hauts ou de nuages bien développés ; les zones grises, les nuages bas ; les zones noires, le ciel clair.

fronts  Fronts 
 jets  Jet d'altitude
 lignconv  Ligne de convergence
 AD  Anticyclone et Dépression
 isob  isobare

Pour en savoir plus : le site national de Météo-France

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