La saison cyclonique 2016/2017 a connu un démarrage tardif dans le bassin Pacifique Sud. Plutôt calme jusqu’à fin mars, elle s’est intensifiée depuis un peu plus d’un mois avec les formations tardives du cyclone DEBBIE, qui a touché le nord-est de l’Australie au début du mois d’avril, de COOK qui a traversé la Nouvelle-Calédonie de part en part le lundi 10 avril et de la dépression tropicale forte ELLA actuellement située aux environs de Futuna. DONNA est le 7ième phénomène nommé sur notre bassin dans cette saison. C’est le 17ᵉ phénomène cyclonique à voir le jour après un 1er mai depuis le début de l’ère satellitaire1 il y a une trentaine d’années. Quand le 8 mai la vitesse des vents dépasse en moyenne les 200 km/h, DONNA entre dans les annales météorologiques comme étant le premier cyclone tropical à atteindre le niveau 5 sur l’échelle australienne après la fin officielle de la saison cyclonique (base de données cycloniques : SPEArTC).
Illustration 1: Image satellite en composition colorée du cyclone DONNA (le 8 mai 2017 à 11h locales) provenant du satellite Himawari-8. Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie
Naissance et trajectoire du phénomène
La perturbation tropicale à l’origine du cyclone tropical DONNA se forme le 2 mai à 500 km au nord-est de l’île de Santo au Vanuatu. Baptisée le 3 mai quand elle devient une dépression tropicale modérée, DONNA s’intensifie rapidement pour devenir une dépression tropicale forte le 4 mai puis un cyclone tropical à partir du 5 mai. DONNA suit alors une lente trajectoire vers l’ouest jusqu’à atteindre la longitude de la Nouvelle-Calédonie. Il bifurque ensuite à 90 degrés le 6 pour se diriger plein sud vers la Nouvelle-Calédonie tout en se renforçant. Le 8 mai, il atteint pendant 24 heures le stade de « cyclone tropical très intense ». Il se trouve alors à la hauteur d’Efaté.
A mesure qu’il se rapproche des îles Loyauté, DONNA ralentit et son intensité décroît. A 17 heures le 9 mai, redevenu « cyclone tropical », il se trouve à environ 60 km au nord de Lifou. Les vents violents balayent déjà depuis quelques heures Ouvéa et Lifou. Après 20 heures, son déplacement entre Ouvéa et Lifou devient erratique. L’évolution de son intensité est quant à elle sans équivoque : DONNA s’étiole. Le 10 mai, DONNA est redevenue une dépression tropicale modérée. Son centre se trouve à 25 km au nord-est de Lifou à 5h. Il plonge alors vers Maré en matinée puis file rapidement vers le sud en se comblant.
Illustration 2: Trajectoire observée du phénomène tropical DONNA entre le 3 mai à 23h et le 10 mai 2017 à 11h (heure locale) et vitesses moyennes maximales sur 10 minutes. Source: Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Un vent tumultueux souffle sur Ouvéa et Lifou
Les vents les plus forts ont soufflé sur la côte Est, sur les extrémités sud et nord de la Grande-Terre et surtout sur les îles Loyauté. C’est d’abord sur Ouvéa que les premières violentes rafales sont ressenties mardi après-midi. Une rafale de 111 km/h est enregistrée à 13h à Ouloup mais l’anémomètre tombe temporairement en panne au passage des vents les plus forts de DONNA. Nous estimons que les rafales ont pu atteindre 150 km/h entre 14h et 18h sur Ouvéa. Dans l’après midi, les vents se renforcent encore sur Lifou, plus proche du centre. Un maximum de 162 km/h de secteur Est est enregistré par l’anémomètre de Ouanaham à 18h. Mais entre 17h et 19h il est fort probable que les rafales aient atteint les 200 km/h sur le nord-est de Lifou en bord de mer, notamment à Wé. Le phénomène tropical perd ensuite de l’intensité en faisant route vers le sud-est, mais de fortes rafales sont encore enregistrées à Maré en soirée (101 km/h à la Roche à 23h). Après 23h, l’ensemble des îles Loyauté n’est plus sous l’emprise de vents violents.
La valeur maximale mesurée à l’aérodrome de Lifou constitue un record absolu pour cette station météorologique ouverte en 1960. Elle dépasse largement le précédent record, 148 km/h, établi pendant le passage de BETI le 4 février 1984. A l’aérodrome d’Ouvéa, la valeur maximale enregistrée pendant DONNA, 111 km/h, se classe en 4ᵉ position, loin derrière le record de 151 km/h dû au cyclone THEODORE qui passa à proximité de l’île le 27 février 1994.
Illustration 3 : Rafales maximales enregistrées entre le lundi 8 mai 2017 et le mardi 9 mai 2017. Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.
Des pluies a priori peu abondantes pour un phénomène d’une telle ampleur
Même si nous ne disposons pas encore de l’ensemble des relevés de précipitation de toutes nos stations, le passage de DONNA n’a pas occasionné de forts cumuls de pluie sur la Grande-Terre (figure 4). Les cumuls les plus importants sont enregistrés dans le sud de la Grande-Terre, du côté de Goro notamment avec 80,2 mm mesurés entre le mardi 9 à 5h et le mercredi 10 à 5h. .
Illustration 4 : Cumuls maximums de pluie en une journée (de 05h00 le jour J à 05h00 le jour J+1, heures locales) enregistrés par les stations automatiques au sol entre le dimanche 7 mai et le mardi 9 mai 2017. Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie
Après l’expertise des données issues de nos radars de précipitation (figure 5), il semble que des averses encore plus abondantes, accompagnées d’une activité orageuses intense, se soient produites dans la zone de Wé à Lifou avec des cumuls sur 24 heures compris probablement entre 100 et 150 mm du mardi 9 à 5h locale au mercredi 10 à 5h locale.
Illustration 5 : Image RADAR- cumuls pluviométriques sur 5 minutes estimés à partir des mesures du RADAR de Lifou du mardi 9 mai entre 18h45 et 18h50 – les pluies faibles apparaissent en violet/bleu et les pluies fortes en jaune/orange/rouge. Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie
Le rivage résiste aux assauts de DONNA
La surcote est la différence entre le niveau de la mer observé pendant le phénomène météorologique en cours et le niveau de la mer qui existerait en présence de la marée astronomique seule.
Illustration 6 : Schéma illustrant le phénomène de surcote
Dans le cas d’un cyclone, la surcote, appelée également onde de tempête, est générée par les vents forts et la baisse de pression au niveau de la mer. Les ondes de tempête sont particulièrement dangereuses s'il y a conjonction avec la marée haute. On parle dans ce cas d’une marée de tempête. C’est ce phénomène de surélévation du niveau de la mer qui peut causer des submersions marines à la côte, et occasionner des inondations et destructions sur côtes basses et terres basses à proximité. La submersion marine due à la surcote peut aussi être accentuée par d’autres conséquences du cyclone comme la forte houle ou la crue d’une rivière.
Illustration 7 : Schéma illustrant le phénomène de submersion marine due à la conjonction d’une marée haute, d’une surcote et du déferlement de la houle. La surcote est l’élévation du niveau de la mer due à :
(1) l’accumulation sur la côte de l’eau poussée par les vents extrêmes dans le sens de la flèche verte ;
(2) la baisse de la pression atmosphérique (L) sur la surface de la mer.
Le runup est l’accumulation momentanée de l’eau sur le rivage causée par le déferlement d’une vague (houle). Le zéro hydrographique est le niveau de référence des cartes marines et des annuaires de marée.
Le phénomène tropical DONNA n’a pas occasionné de phénomène de submersion significatif. Une surcote de 35 cm a été mesurée par le marégraphe du service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) situé à Ouvéa vers 21h40 le 9, au moment où le centre de DONNA se trouvait sans doute le plus proche de l’île. Toutefois, nous estimons qu’en journée du mardi 9, des vagues de 6 à 8 m sont générées par les vents de DONNA dans un rayon de 100 km autour du centre. Ces vagues, bien que fortement affaiblies par la barrière de corail entourant le lagon d’Ouvéa, ont été ressenties jusque sur le rivage lagunaire de l’île. Nous n’avons pas pu obtenir les données du marégraphe de Wé, mais il semble également que la surcôte ait été limitée sur Lifou. Cette information est confirmée par des observateurs sur place. De très fortes vagues ont été observées sur la côte est de l’île.
DONNA, un cyclone exceptionnel à plus d’un titre.
Sur le bassin Pacifique sud, la saison cyclonique se termine officiellement le 30 avril. Il arrive toutefois que des phénomènes tropicaux surviennent en mai ou juin au plus tard. Sur la zone de pré-alerte de la Nouvelle-Calédonie, DONNA est le 9ᵉ phénomène à atteindre le stade de dépression tropicale modérée et le 3ᵉ cyclone tropical depuis la saison 1977-1978. A ce jour, c’est le phénomène le plus intense jamais identifié après le 30 avril dans la zone de veille des météorologues calédoniens.
D’après les mesures de vent réalisées depuis les années 1960 à Lifou et Ouvéa, il semble que DONNA soit pour ces deux îles, tous mois confondus, l’un des épisodes cycloniques les plus violents de leur histoire récente. Ce constat est étayé par les trajectoires cycloniques à notre disposition issues de la base de données SPEArTC et des documents archivés dans nos bureaux de Nouméa. On considère aujourd’hui que les vents cycloniques générés par DONNA sont les plus violents à avoir touché Lifou, devant ceux de BETI le 4 février 1984. A Ouvéa, d’après les dégâts constatés sur place et nos relevés, il semble que le cyclone DONNA ait été moins violent que THEODORE qui sinistra l’île le 27 février 1994.
Une liste non-exhaustive regroupant les cyclones ayant occasionné des dégâts en Nouvelle-Calédonie est consultable sur notre site ici.
Illustration 8 : Animation satellite au pas de temps 20 minutes du cyclone DONNA (du mercredi 03 mai à 23h00 locales au mercredi 10 mai à 20h locales) - Images provenant du satellite Himawari 8
Source : Météo-France Nouvelle-Calédonie.