Tout a commencé par une nuit particulièrement chaude...
La nuit du 1er au 2 juillet 2013 a été particulièrement chaude pour la saison sur l'ensemble du pays. Pour s'en convaincre, on peut analyser les températures relevées toutes les trois heures (20, 23, 2 et 5 heures) depuis 1971 à Nouméa, Tontouta, Koumac, Poindimié et Ouanaham :
- A Nouméa, 24,4 °C à 5 h, soit la 3ème valeur la plus élevée pour un mois de juillet.
- A Tontouta, 26,9 °C à 23 h, soit la 2ème valeur la plus élevée pour un mois de juillet.
- A Koumac, 25,9 °C à 2 h, soit le record de température nocturne tri-horaire pour un mois de juillet.
- A Poindimié, 24,7 °C à 2 h, soit la 2ème valeur la plus élevée pour un mois de juillet.
- A Ouanaham, 24,3 °C à 20 h, soit le record de température nocturne tri-horaire pour un mois de juillet.
Ces températures nocturnes s'expliquent par la rémanence de températures particulièrement élevées observées le 01/07 après-midi et une advection ininterrompue d'air chaud d'origine tropical.
En effet, dès le 01/07, une petite dépression subtropicale se creuse dans un axe de basses pressions au large de Brisbane. Le flux en basse couche nous concernant s'oriente alors au secteur nord-est. C'est ainsi que de l'air chaud et humide a abordé la Nouvelle-Calédonie par la côte Est au cours de la journée du 01/07. Alors que la côte Est est sous les nuages, sur la côte Ouest, en raison de l'effet de Fœhn, le ciel demeure relativement dégagé jusqu'en soirée et le réchauffement diurne très marqué. C'est pourquoi les écarts à la normale des températures maximales valent en moyenne environ +4 °C sur la côte Ouest le 01/07, tandis que l’anomalie moyenne sur la côte Est plus faible et voisine de +2 °C.
En début de nuit, les nuages ont fini par recouvrir tout le pays, ce qui a limité le refroidissement nocturne. L'advection d'air chaud persistant, les températures se sont donc maintenues à des niveaux exceptionnellement élevés au cours de la nuit du 1er au 2 juillet 2013.
La chaleur et l’humidité transportées dans le flux de nord-est ont contribué à rendre l’atmosphère particulièrement instable, provoquant des orages forts et durables, ce qui est atypique pour un mois de juillet.
... suivie de précipitations exceptionnelles
Voici le bilan partiel établi à 5 h le 04/07/2013 concernant les précipitations qui ont touché la Nouvelle-Calédonie au cours des 48 dernières heures.
L’apport d’air chaud et humide en basse couche dans un flux de nord-est a provoqué des précipitations diluviennes sur la chaîne et le quart sud-est de la Grande Terre. Les impacts de foudre ont été nombreux.
Ce sont les cumuls de précipitations sur des périodes de 12 et 24 heures qui sont les plus marquants. D’après les données qui nous sont parvenues, il semble que les pluies aient été exceptionnelles sur la côte Est entre les communes de Poindimié et Yaté. On relève par exemple environ 232 mm à Poindimié en 12 heures, soit une quantité de précipitations qui est dépassée en moyenne au moins une fois tous les 10 ans. A Houaïlou, notre pluviomètre a enregistré jusqu’à 383 mm de précipitations en 24 heures. Bien que cette valeur n’atteigne pas le niveau diluvien de 528 mm relevé le 25 décembre 2011, il n’en demeure pas moins exceptionnel, puisque la durée de retour est supérieure à 10 ans. Les cumuls les plus importants ont été relevés sur la commune de Yaté. A la station de la Rivière Blanche, on enregistre jusqu’à 520 mm en 12 heures et jusqu’à 714 mm en 24 heures ! D’après nos estimations statistiques, il semblerait que la durée de retour de tels cumuls soit supérieure à 40 ans. Cette valeur détrône le précédent record de précipitations mesurées sur 24 heures pour une station automatique établie le 21/06/1975 à Poindimié. Elle surpasse également la valeur de pluie estimée à Ouinné lors du passage du cyclone GYAN en décembre 1981, environ 630 mm.
Certains observateurs du réseau climatologiques de la Nouvelle-Calédonie nous ont fourni par téléphone des informations pluviométriques très intéressantes :
- à Canala, on nous informe que le pluviomètre installé à la gendarmerie a débordé, ce qui signifie que les pluies ont vraisemblablement dépassé les 500 mm en 24 heures, soit une durée de retour proche de 50 ans ;
- à Ouinné, sur la Côte Oubliée, notre observateur nous a signalé qu’il est tombé en 24 heures une quantité de précipitations équivalente au record de 1981, soit environ 630 mm.
Même si les pluies relevées sont moins importantes que sur l’autre versant, la côte Ouest de la Grande Terre n’a pas été épargnée par les intempéries. En effet, la durée de l’épisode pluvieux et son intensité sur la chaîne montagneuse a contribué aux débordements de nombreux cours d’eau. Sur le quart sud-ouest de la Grande Terre, on enregistre localement des quantités de précipitations exceptionnelles sur 12 et 24 heures. C’est le cas notamment :
- à la tribu de Nassirah sur la commune de Boulouparis (194 mm en 24 heures, soit une durée de retour voisine de 20 ans) ;
- à Me Para sur la commune de Bourail (214 mm, soit une durée de retour supérieure à 10 ans) ;
- à La Foa (179 mm, soit une durée de retour proche de 10 ans).
Ailleurs sur la moitié sud de la côte Ouest, les quantités de précipitations mesurées sont certes substantielles, mais elles ne revêtent pas un caractère exceptionnel selon les premiers éléments qui nous sont parvenus, à l’exception notable de la commune du Mont-Dore. Située sur la commune, on enregistre à l’usine Vale Nouvelle-Calédonie 452 mm en 24 heures, ce qui est équivalent à la quantité de pluies tombées lors du passage de la dépression tropicale VANIA le 13/01/2011.
De tels épisodes pluvio-orageux sont rares en juillet. En témoignent les nombreux records mensuels de pluies quotidiennes établis ce jour pour des stations météorologiques ouvertes depuis plus de 30 ans, voire 40 ans pour certaines. C’est le cas notamment à Nassirah (Boulouparis), à Houaïlou, à La Foa, à Nouméa et à Ouinné (Yaté). A Tontouta (Païta), au Cap Maori (Bourail), à l’île des Pins et à La Coulée (Mont-Dore), les valeurs quotidiennes mesurées sont les secondes plus élevées enregistrées pour un mois de juillet depuis le début des mesures. Enfin, à Houaïlou, le cumul quotidien du 02/07/2013 est, tous mois confondus, le troisième cumul le plus élevé pour cette station ouverte en 1952.
On retiendra enfin que les précipitations extrêmes en Nouvelle-Calédonie ne sont pas l’apanage des phénomènes cycloniques. Des pluies violentes peuvent exceptionnellement se produire au cœur de l’hiver austral sous l’effet du transport d’un air chaud et humide d’origine tropicale dans un flux de nord-est. Ce fut le cas notamment le 21/06/1975 et le 15/07/2003, journées au cours desquelles des précipitations extrêmes furent également enregistrées.
1 Par convention, on dit qu’un cumul de précipitations revêt un caractère exceptionnel lorsque sa durée de retour estimée est supérieure ou égale à 10 ans.
2 Le cumul quotidien de précipitations est par définition la valeur des quantités de pluies cumulées entre le jour J à 5 heures et le jour J+1 à 5 heures.
Cumuls maximaux des pluies
(sur la période du 01/07 à 00 h au 04/07 à 05 h)
en 48 heures |